5 heures du mat ce dimanche 19 mars 2006 à Port Elizabeth, je me lève (une nouvelle fois, je n'ai pas fermé l'oeil de la nuit). J'engloutis mon gâteau sport dans la salle à manger du "bed & breakfast" où nous logeons pendant que mon épouse prend son petit déjeuner. Je finis de préparer mes bidons vélo puis nous nous dirigeons vers le départ situé à moins de 5 minutes.

En entrant dans le parc à vélo, nous sommes pesés tels les boxeurs avant de monter sur le ring.

Les tam-tams raisonnent, les danseurs sont déjà en action sur la plage.

 

Après avoir enfilés ma combinaison et m'être enduits de vaseline (recommandation de l'organisation pour éviter les brûlures des méduses (jellyfish pour les anglophones) très nombreuses la veille: hier, j'ai été "piqué" 2 fois au poignet et à l'index lors d'un léger entraînement). Je me place avec les autres triathlètes dans "l'enclos" de départ où je suis assez détendu car la mer aujourd'hui est calme.

A 7 heures pétantes, le départ est donné. Nous courrons jusqu'à l'eau, sautons les premières vaguelettes puis plongeons pour effectuer les premiers mouvements de crawl.


A la 1ère bouée située à 300 mètres, me sentant bien, je me dis que je vais finir mon premier Ironman africain.Je nage tranquillement et, sans prendre de coups, boucle ce premier tour de 1900 mètres en 37 minutes (un peu au dessus de mes prévisions mais rien d'alarmant). Je me relève et effectue quelques pas dans le sable pour passer sous l'arche avant de replonger dans la mer (natation à l'australienne).

Sur ce 2ème tour, l'eau bouge un peu plus mais pas de souci. Je prends quelques coups au passage des bouées mais tout se passe globalement bien puis vient enfin le virage de la dernière bouée à une centaine de mètres de la plage et là je me dis qu'il y a un malade qui tape des pieds comme un dératé car je reçois de l'eau au dessus de moi. La plage arrive, je me redresse et m'aperçoit qu'en fait il pleut et ça fait pas semblant, ça pleut dru. Je cours sur la plage passe sous le portique des douches et me dirige vers le parc à vélo où je peux lire mon temps d'1h23 (pas top !).

 

 

 

Je récupère mon sac vélo et part me changer sous la tente. La tenue cycliste enfilée, je cours récupérer mon vélo (j'enrage un peu sous ce déluge) et sors du parc vélo pour rouler à droite (les sud-africains doivent être un peu désorientés) sur une route totalement fermée à la circulation. Les premiers coups de pédale me font prendre conscience que Eole sévit en Afrique : le vent est violent et à mon grand désarroi il va m'être défavorable (enfin pas qu'à moi !!!) pendant 23 kms. Dès la première bosse (quasiment l'unique du parcours), je me vois obliger de mettre le 39 dents. La pluie s'est arrêtée très vite mais ce sacré vent me sabre un peu le moral d'autant plus que vers le 20ème kilomètre on croise les concurrents qui ont fait demi-tour et qui roulent à vive allure vent dans le dos. Je m'accroche pour enfin arriver à ce fameux demi-tour où les premiers coups de pédale me redonnent le sourire. J'avale les kilomètres pour boucler le 1er tour en 2 heures environ au cours duquel je n'ai fait que reprendre des concurrents. Hélas, ce sera le seul tour dans ce cas.

 En effet, dans les 2 autres tours, lorsque le vent est de face, je maintiens ma position mais au demi-tour je n'ai plus suffisamment de force pour rouler au train à tel point qu'au 3ème tour je ne mettrais quasiment jamais le 52 dents.
Au 110ème kilomètre, j'entends l'hélicoptère qui se rapproche (je me dis que ça ne doit pas être pour me filmer mais plutôt qu'il doit être au-dessus de la tête de la course), aussi j'accélère ma cadence de pédalage. Le ronronnement est de plus en plus présent, je serre les dents jusqu'au kilomètre 115 où un bolide me double : Faris Al Sultan. Plusieurs minutes passent avant que le local de la course Tissink me double à son tour : ils m'ont pris 60 kms. Je passe enfin devant le parc à vélo pour effectuer mon 3ème et dernier tour : encore 23 kilomètres de souffrance (vent de face) !

Je laisse mon vélo à un bénévole à l'entrée du parc après plus de 6h29 de pédalage mais je reste confiant car je n'ai aucune douleur. Après avoir récupérer mon sac de course à pied, je vais enfiler mes baskets et ma tenue tri fonction (qui est en fait pour l'occasion uni fonction) pour affronter le marathon.

Ayant de bonnes sensations mais restant toutefois prudent, je pars tel un métronome franchir chaque kilomètre toutes les 5 minutes pour boucler le premier des trois tours en 1h10. Vers le 15ème kilomètre, les premières douleurs aux ischiojambiers surviennent et vont précipiter une chute vertigineuse de ma moyenne kilométrique qui me verra franchir la barrière du semi marathon en 1h56. En effet, j'alterne marche et course. Je me fais héler par Roland et Rodolphe (photographes de TRIMAG) qui me remercient ironiquement pour marcher devant eux lorsqu'ils s'apprêtaient à me photographier.

A partir du kilomètre 21 (qui est également le 7 et le 35 ... tout le monde suit ?), la route monte pendant près de 700 mètres. J'y entame une marche rapide. Ce deuxième tour sera un véritable calvaire. Il me tarde d'arriver au prochain ravitaillement pour récupérer un gobelet de coca. Au 3ème tour, curieusement je me sens un peu mieux ; je fais alors un effort mental énorme pour recommencer à courir de manière continue mais pas très vite pour finalement boucler ce marathon en 4h26.
Je suis accompagné les derniers mètres par des "pom-pom girls" jusqu'à la ligne d'arrivée que je franchis après 12h18 d'effort (324ème sur 898 entrants). On me passe ma médaille autour du cou, me couvre d'une couverture de survie et une jeune sud-africaine m'accompagne jusqu'à la tente des "triathlètes" où je suis pesé. J'ai perdu 3kg800 que j'essaie de reprendre immédiatement en mangeant le repas que nous servent les bénévoles.
Après m'être réalimenté, je m'en vais récupérer mon tee-shirt de "finisher".


Je retrouve mon épouse qui m'aide à porter tout mon paquetage et à reprendre mon vélo. Je prends une douche au "bed & breakfast" où nous logeons (à une centaine de mètres de là) et m'en retourne sur la ligne d'arrivée pour attendre un ami américain rencontré 3 ans plus tôt à l'Ironman de Zurich. Il finira peu avant la barrière fatidique des 17 heures matérialisée par un superbe feu d'artifices.